Les images ont glacé jusqu’aux publics habitués aux excès du streaming. Dans un live qui se voulait spectacle, Jean Pormanove s’est retrouvé au centre d’un mécanisme. La dérision vire à la maltraitance et l’audience devient une pression constante. L’émotion, pourtant, cède vite la place aux questions. Qui fixe les limites, qui protège les plus vulnérables, qui répond des dérives ?
Ce que révèle l’ascension et la chute de Jean Pormanove
Raphaël Graven, 46 ans, alias Jean Pormanove, est mort dans son sommeil. Selon mediapart.fr, c’était dans la nuit du 17 au 18 août à Contes, près de Nice. Le tournage était diffusé en direct sur Kick. Le parquet de Nice a confirmé le décès et a ouvert une enquête pour en établir les causes.
Figure centrale du collectif « Lokal » sur la plateforme, il subissait des jeux d’humiliation et des violences à l’écran. Deux partenaires, connus sous les pseudonymes « Safine » et « Naruto », y prenaient part. La communauté suivait, commentait, réagissait et en redemandait.
Au cours du live fatal, on le voit immobile sous une couette. La respiration devient difficile, tandis que ses compagnons tentent d’abord de le stimuler. L’inquiétude monte avec les minutes, car les signes se multiplient. Quand la diffusion s’interrompt, le choc gagne les réseaux et les proches.
Sur Kick, le « Lokal » exposait Jean Pormanove à des humiliations
Le « Lokal » diffusait de longs directs. Les défis physiques, les sketches et des « jeux » basculaient vers la maltraitance. Pour Jean Pormanove, l’humour se transformait en mises en scène de soumission. L’enjeu d’audience et les dons imposaient une escalade permanente devant la caméra. Le collectif vivait à Nice et multipliait les lives marathon.
Mediapart avait documenté, fin 2024, un « business » fondé sur l’humiliation de personnes vulnérables. La chaîne cumulait une large audience, autour de 192 000 abonnés. Ces séquences violentes faisaient des « cartons », tandis que le chat encourageait et banalisait la spirale. Les vues grimpaient vite, et les dons suivaient.
Ce système prospérait car la modération restait minimale. La frontière avec la violence était franchie en public. La santé mentale, l’intégrité et le consentement demeuraient relégués, alors que le public était très jeune. Ces pratiques, visant le buzz et l’argent facile, ont nourri l’indignation.
Enquête ouverte, responsabilités des plateformes et réactions officielles
Le parquet de Nice a confié les vérifications aux gendarmes, avec auditions et autopsie annoncée. Il précise qu’aucun élément suspect ne ressort à ce stade. Des experts seront entendus sur les pratiques et les risques. La mort de Jean Pormanove en direct interroge la chaîne des responsabilités. Du studio aux partenaires de tournage, ainsi que les obligations de sécurité.
La ministre déléguée au Numérique, Clara Chappaz, parle d’« horreur absolue ». Elle contacte les responsables de Kick, saisit l’Arcom et effectue un signalement sur Pharos. Elle exige des explications et rappelle que la loi impose des garde-fous.
Au-delà du dossier, la question centrale demeure. Quel cadre contraint, quelle modération en temps réel, quelle prévention pour les créateurs fragiles ? Quelle sanction pour les formats qui monétisent la maltraitance ? Ce débat engage tout l’écosystème du streaming IRL et ses modèles. Les annonceurs devront, eux aussi, assumer leur part.
Pour que les lives cessent de franchir la ligne rouge désormais
Ce drame impose un sursaut : clarifier les règles, responsabiliser les plateformes, protéger les publics et encadrer les contenus extrêmes. Sans cela, d’autres suivront. Les mécaniques d’audience ne s’arrêtent jamais. La trajectoire de Jean Pormanove rappelle qu’un succès en direct ne vaut rien. Sans respect ni sécurité, pour les équipes comme pour les spectateurs. Le choc public doit se traduire en actes.