« Sur les murs de la classe, il y avait des dessins avec un homme et une femme entièrement nus, je n’avais jamais vu ça » : les premiers jours en France de Zaman Khalil, venu du Bangladesh

Une enfance déplacée, un père courageux, un ancrage français forgé entre combats, amitiés et travail

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À neuf ans, en 1997, Zaman Khalil débarque à Paris et cherche ses repères. L’asphalte le surprend, lui qui vient de Comilla et de ses routes de terre. Son père, parti en 1985, conduit la famille vers la Plaine Saint-Denis. Le choc est vaste, pourtant l’élan maternel le porte, entre valises, peur muette et curiosité. Le voyage bouleverse l’enfance, pourtant l’espérance s’invite déjà. Tout paraît neuf, et tout semble possible.

De Comilla à Paris, la stupeur de Zaman Khalil

Selon lemonde.fr, la première vision reste la propreté lumineuse, loin de la boue. Dans un camion prêté, ils rejoignent la Plaine et un pavillon partagé. Le père a si peu vécu près d’eux, repartant tous les deux ou trois ans. L’enfant suit sa mère, alors il ne saisit pas l’ampleur du voyage.

L’école, au CM1, étonne par ses fenêtres et ses portes, absentes à Comilla. Sur les murs, des dessins d’anatomie montrent un homme et une femme nus, scandale pour lui, puis repère utile. Dans la cour, on l’appelle le blédard, pourtant Saïd le protège et devient un ami fidèle.

Lire, écrire, restent rudes, la grammaire échappe, tandis que les mathématiques rassurent. La rue enseigne le français, au milieu d’amis arabes et noirs, gestes à l’appui. La mère rappelle à la maison, lui traîne encore, découvre la ville. Le foot l’emporte, un club le repère, Zaman Khalil joue jusqu’à ses dix-sept ans.

Apprendre la ville, le français et se faire une place

Après la Segpa au collège Garcia-Lorca, le lycée propose l’électricité, filière presque sans filles. L’intérêt glisse, il quitte l’école, préfère travailler et avancer. Dans des restaurants d’hôtels de luxe, il devient commis de cuisine. Il devient ensuite voiturier au Burgundy, cinq-étoiles parisien, où les pourboires atteignent 4 000 euros.

Le rythme de nuit use, il veut fonder un foyer, alors il change de route. Comme d’autres Bangladais, il ouvre une boutique de téléphonie, quasi un taxiphone de quartier. Il ne connaissait rien aux portables, bientôt il excelle, répare, conseille, vend, et finance la maison avec patience et fierté.

Chaque euro compte pour sa famille et pour ses parents, souvenirs à vif. À l’arrivée, ils engloutissent oranges et raisins, luxe imprévu, et le père pleure en cachette, incapable d’en offrir davantage. Dans ce parcours, Zaman Khalil mesure le prix des sacrifices, et s’accroche.

Travail, famille et projets de Zaman Khalil

Le père avait connu l’Allemagne, parfois la rue, les escaliers glacés. Il nettoyait des pare-brise, vendait journaux, cacahuètes, roses, pour survivre. De “German” vient son prénom, filiation fière. En France, le père devient commis puis chef sushi, au début des restaurants japonais, et obtient ses papiers.

La pudeur règne à la maison, pourtant un jour, il le serre dans ses bras. La Nintendo 64 arrive, il a treize ans, joie pure. L’adolescent rêve aussi de baskets, de Reebok, Ellesse, Fila, comme les autres. Par respect culturel, Zaman Khalil accepte un mariage arrangé, au pays.

Le mariage a dix ans, la famille compte deux garçons, huit et sept ans. Musulmans, ils gardent le lien, toutefois les enfants choisiront libres. Tous vivent ensemble dans un très grand HLM de la Plaine. Ils voyagent souvent, la France lui paraît près de quatre fois le Bangladesh.

Ce que la France lui a donné et inspiré

Il se dit français, fier, en sécurité, prêt à explorer encore. Il aime prendre la voiture, parcourir l’Europe et le pays, savourer chaque instant. Au bord de la mer, en Normandie, il pêche, souvenir d’enfance retrouvé à Comilla. Dans cette liberté, Zaman Khalil construit sa vie, entre gratitude et horizons ouverts. Il sait la chance, pourtant il n’oublie jamais les débuts modestes.

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