Médecine : il serait « injuste et inéquitable » de faire revenir les étudiants partis se former ailleurs

Un débat qui mêle équité, qualité de formation et promesse d’accès aux soins sur tout le territoire

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L’alerte est lancée, le débat s’enflamme, la médecine française se divise. Ramener des étudiants partis se former « ailleurs » semble simple, pourtant la décision engage l’accès aux soins, l’équité et la qualité. Une proposition entend répondre aux besoins du terrain. Les positions se durcissent, les arguments s’empilent, et chacun défend sa vision d’un système déjà sous tension.

Réintégrer des étudiants de médecine suscite une forte tension

Selon ouest-france.fr, le projet vise à combler les déserts médicaux en réintégrant, dans le cursus français, des étudiants partis se former hors du pays. La mesure figure dans une loi portée par le ministre de la Santé Yannick Neuder, promulguée fin juin. Le calendrier politique s’accélère et l’exécutif affiche une volonté d’agir vite, au nom de l’accès aux soins.

Début juillet, le ministre a défendu le texte devant la Conférence des doyennes et doyens des facultés, puis aux journées d’été de l’Association nationale des étudiants en médecine de France. Les deux organisations, épaulées par le Conseil national de l’Ordre des médecins, s’opposent frontalement au dispositif. Elles jugent la réforme mal calibrée pour répondre durablement aux besoins.

Elles dénoncent un risque d’injustice pour ceux qui suivent l’intégralité du cursus en France. Selon elles, la réintégration anticipée brouille les règles du jeu. Les opposants rappellent qu’un retour existe déjà en fin de sixième année, via les épreuves classantes nationales, et qu’il respecte un cadre commun à tous les candidats.

Capacité des facultés de médecine et enjeu d’équité

Les doyens alertent sur des amphithéâtres saturés. En dix ans, les admis en deuxième année sont passés d’environ 8 000 à 12 000. Les équipes disent ne pas pouvoir aller plus loin sans dégrader l’encadrement. La promesse d’accueils supplémentaires paraît donc fragile. Elle se heurte à des contraintes pédagogiques, de stages et d’infrastructures déjà mises à l’épreuve.

L’équité nourrit aussi la polémique. Les détracteurs redoutent une « sélection par l’argent » favorisant ceux qui ont pu financer un parcours externe. Le retour anticipé, estiment-ils, créerait un raccourci au détriment des règles communes. Le chemin actuel, en fin de sixième année, place tous les candidats face aux mêmes épreuves classantes nationales.

La question du niveau s’invite dans le débat. Les organisations médicales citent les résultats 2024 : 83 % d’échec pour des étudiants venus d’universités européennes contre 3 % pour ceux formés en France. Le chiffre ne prétend pas tout dire, mais il alimente la prudence. Il interroge l’harmonisation réelle des pratiques, au-delà des référentiels partagés.

Parcours à l’étranger, langue et coûts des formations

Sur le terrain, les conditions diffèrent. À Cluj-Napoca, un étudiant entamant sa sixième année décrit des emplois du temps serrés qui laissent peu de temps pour réviser les concours français. Il envisage de ne pas revenir y faire son internat. Les choix d’orientation se jouent alors entre pragmatisme, calendrier et projet professionnel en médecine.

La langue pèse lourd pendant les stages. Malgré les cours et l’immersion, l’échange avec les patients reste moins fluide qu’avec les étudiants natifs. Le ressenti s’en ressent, car l’information clinique circule vite et demande des nuances. Cette contrainte n’annule pas les acquis théoriques, mais elle complique l’autonomie en situation réelle.

Le coût compte, lui aussi. Des frais de scolarité de 6 000 € par an sont évoqués, avec un droit d’entrée aujourd’hui autour de 8 000 € à Cluj-Napoca. Le coût de la vie y demeure inférieur à celui de la France, surtout Paris. Au moins 5 000 étudiants français seraient concernés, plus de la moitié en Roumanie, d’autres en Belgique, Allemagne, Suisse ou Espagne. En Belgique, environ 3 000 candidats en 2021 contre 1 200 en 2020.

Un arbitrage entre équité, qualité de formation et accès aux soins

Reste à concilier équité, capacité d’accueil et sécurité des patients. La mesure promet de répondre aux besoins, mais les chiffres, les contraintes logistiques et les parcours réels invitent à la prudence. Un cadre lisible, des exigences partagées et un accompagnement solide peuvent rapprocher les positions. La médecine exige clarté, cohérence et justice pour convaincre durablement.

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