Un chiffre choque, puis une question s’impose. L’État aligne des taux employeur hors norme, tandis que les comptes publics semblent gonflés. Derrière les apparences, une mécanique comptable brouille le diagnostic. Pour comprendre, il faut démographie, règles budgétaires et arbitrages. Ici, les cotisations retraite deviennent un prisme décisif, car elles soutiennent un régime déséquilibré. Le débat récent ouvre la voie, cependant les chiffres exigent des repères.
Cotisations retraite surdimensionnées et budgets publics gonflés
En 2023, 1,97 million d’agents cotisaient pour 2,06 millions de pensions, affirme bfmtv.com. Le ratio tombe à 0,96 seulement par pensionné, alors que le privé approche 1,7. Les choix passés pèsent, car la décentralisation, le gel du point d’indice et les contractuels réduisent l’assiette. La part des primes progresse, l’assujettissement baisse mécaniquement.
L’État compense, les cotisants ne suffisent plus. Il applique 78,3 % aux civils et 126,07 % aux militaires. Le privé reste à 16,67 %. Depuis 2006, le CAS Pensions doit rester à l’équilibre, donc le taux s’ajuste chaque année. Cette règle masque la nature des flux.
François Bayrou évoque 40 milliards supplémentaires si le public retenait le taux privé. Les comptes 2024 affichent un déficit de 1,7 milliard, soit 0,41 % du budget des retraites. En 2025, le COR prévoit 5 milliards. Dans ce contexte, les cotisations retraite deviennent la clé de lecture. Le cadrage budgétaire s’en trouve affecté.
Cotisations retraite « normales », transparence et vérité comptable
L’IPP et le CAE contestent l’idée d’un déficit caché, car les financements complémentaires restent des ressources, à l’image de la DGF. Le système français n’est pas une répartition pure, puisqu’il combine cotisations et impôts. Cette précision change la lecture, tandis que l’équilibre global dépend d’arbitrages budgétaires explicites.
Hélène Paris pointe une contribution employeur qui mêle trois logiques. Elle agrège une cotisation comparable au privé, la solidarité et une subvention d’équilibre. Faute de séparation claire, l’opacité prospère et la mesure des charges varie, tandis que les responsabilités se diluent. Cette clarification s’impose.
L’IPP fixe un taux « normal » à 34,7 %. Le reste, 43,6 %, relève des impôts et de la solidarité, avec majorations pour enfants, trimestres maladie. Avec cette clé de cotisations retraite, dépenses, recettes baisseraient de 28,9 milliards en 2023, 1,1 point de PIB, à 57,2 % et 51,4 %, sans impact sur le déficit.
Effets sur les budgets ministériels, transferts et comparaisons OCDE
Les mécanismes de compensation démographique existent, cependant ils restent limités. En 2021, l’État a perçu 500 millions, alors qu’il pouvait prétendre à plus de 10 milliards. Ce choix revient à prendre la charge au niveau central, donc à octroyer une subvention implicite de 18 milliards au régime général. La correction changerait l’équilibre entre régimes.
En corrigeant la clé employeur, le coût apparent d’un fonctionnaire baisse. L’Éducation reculerait de 12,8 milliards, la Défense de 7,6 milliards, l’Ordre et la sécurité publics de 4,7 milliards. Ces montants comptables déplacent les lignes, car la masse salariale structure les grandes missions. La discussion budgétaire gagne alors en précision.
Les comparaisons internationales sont biaisées. Sans correction, l’éducation pèse 5,4 % du PIB ; après correction, 5 %. La France se situe juste au-dessus de la moyenne OCDE, tandis que la dépense par élève du premier degré glisse au quart inférieur. Peu de pays affichent des taux employeur aussi élevés sur les cotisations retraite.
Clarifier la facture pour mieux juger l’effort public
Réévaluer l’affichage, séparer la cotisation « normale », la solidarité et la subvention, puis afficher clairement les effets budgétaires. Cette méthode réduit les doubles comptes et éclaire les choix, tandis que le déficit reste inchangé. Elle stabilise les comparaisons internationales, car elle corrige les écarts de périmètre. À ce prix, les cotisations retraite cessent d’aveugler le débat. Le débat public y gagne en précision.