En ville, les contraintes s’accentuent, l’élan tient bon. Des acteurs s’accrochent à la livraison à vélo malgré des marges minces et des règles changeantes. Le terrain révèle des ambitions, des freins et des décisions difficiles. La demande existe encore, car la ville cherche des solutions sobres. Les professionnels défendent un modèle simple et utile. Reste à le faire tenir dans la durée.
Des obstacles concrets pour la livraison à vélo en ville
À Annecy, deux vélos cargos et deux remorques restent immobiles depuis un mois. Selon france3-regions.franceinfo.fr, Corinne Baro a porté une petite structure un peu plus de deux ans. Jusqu’à l’été, l’équipe ravitaillait le centre-ville, de commerce en commerce. Chaque course valait en moyenne dix euros, un niveau qui laissait peu d’air.
Trois salariés portaient l’activité, tandis que deux postes exigeaient un temps plein. Le chiffre d’affaires ne suivait plus, car les marges restaient faibles. La coopérative a choisi d’anticiper l’impasse pour éviter la cessation de paiement. Autrement dit, arrêter à temps valait mieux que reculer l’inévitable.
Le transport reste un secteur aux marges étroites, donc le prix bouge peu. L’effet d’entraînement vient des règles publiques et des clients motivés. Avec une volonté claire des collectivités et des entreprises, la livraison à vélo gagne des volumes. Sans cet élan commun, l’équilibre économique demeure trop fragile.
Choix politiques et coûts fixes freinent la livraison à vélo
Les aides restent limitées, et certaines décisions brisent l’élan. L’agglomération d’Annecy n’a pas choisi de subvention par colis livré à vélo. Aucune plateforme logistique dédiée aux flux décarbonés n’a été créée. La jeune Scop a donc loué un local privé, avec des charges fixes immédiates.
Le loyer atteignait six cents euros par mois, ce qui alourdissait la note. Ces charges fixes devenaient intenables à porter seule. L’équipe visait pourtant un objectif clair : apaiser la ville, réduire la pollution et retirer des camions du centre. L’équation financière n’a pas suivi ce cap.
La suppression de certaines ZFE envoie un mauvais signal et retarde les bascules. Des clients repoussent le changement, car l’incitation disparaît. Pour décoller, la livraison à vélo doit consolider ses modèles. Baisser les coûts unitaires, sécuriser les volumes, puis mieux partager la valeur créée avec les livreurs.
Investissements, modèles et rémunérations en quête d’équilibre
Les effets se voient aussi chez les clients. Benoît, restaurateur, reprend lui-même les trajets depuis la fermeture de la Scop. Le temps s’allonge, et la facture augmente. Les déplacements se font en voiture, faute d’offre, ce qui renforce la contrainte quotidienne et le coût caché.
Les chiffres 2024 confirment le contraste entre fragilité et ténacité. Dix-sept entreprises ont été créées, tandis que vingt ont cessé. L’Observatoire des cyclomobilités professionnelles recense au total deux cent cinq structures. Le potentiel se confirme vraiment, même si la courbe reste heurtée.
Gaétan Piegay, de la Fédération professionnelle de la cyclo-logistique, rappelle des investissements récents en véhicules et en locaux de centre-ville. Puis l’État a reculé sur certaines obligations, et l’incitation s’estompe. Malgré cela, la livraison à vélo progresse, car les acteurs testent des modèles plus justes pour les livreurs.
Pourquoi ce modèle urbain mérite encore une chance durable
La trajectoire dépendra d’arbitrages clairs et tenus dans le temps. Des villes peuvent amorcer, car elles structurent les flux du dernier kilomètre. Des entreprises peuvent mutualiser, tandis que des clients valident des délais raisonnables. En avançant ensemble, la livraison à vélo trouvera sa place. Ce service répond à des usages quotidiens, utiles et faciles à ancrer. Le signal politique aligné fera la différence.