Des yeux de braise, une voix rauque, une présence qui aimantait l’écran. Claudia Cardinale résume une façon d’aimer le cinéma, intense et populaire. Sa disparition réveille des scènes, des répliques et des valses. On pense à une vie libre, à des choix nets, à une pudeur tenace, et l’on mesure l’empreinte laissée sur plusieurs générations encore fidèles, ici et ailleurs.
Claudia Cardinale, de Tunis à Rome, un destin bousculé
Née le 15 avril 1938 à La Goulette. Sicilien en famille, français à l’école. Son père est ingénieur des trains ; sa mère élève Blanche, Bruno, Adrien et Claude. Garçon manqué, elle sautait dans le train en marche et rêvait d’être institutrice ou exploratrice.
À 17 ans, selon franceinfo.fr, “la berbère” gagne un concours du cinéma italien, est élue “plus belle Italienne de Tunis” et part à la Mostra. Un journal titre “La fille qui ne veut pas faire de cinéma”. Claudia Cardinale débute dans Anneaux d’or de René Vautier, Ours d’argent 1956.
Violée en Tunisie, elle part en Italie, devient Claudia, signe chez Franco Cristaldi et tourne trois films en cachant sa grossesse. À Londres, en 1958, naît Patrick, baptisé à Saint Patrick’s. Longtemps dit “son frère”, il refuse le père ; la vérité vient quand il a six ou sept ans.
De Goha au Guépard, la révélation d’une star
Goha de Jacques Baratier, avec Omar Sharif. Le pigeon, en 1958, lance sa carrière. Grand rôle en 1960 dans Le bel Antonio avec Marcello Mastroianni. Puis Rocco et ses frères avec Alain Delon et Le Guépard, Palme d’or 1963, où elle valse avec Burt Lancaster.
Dans les années 1960, on disait BB la blonde et CC la brune. Avec Brigitte Bardot, elle joue dans Les Pétroleuses. Elle ne parlait pas italien, fut doublée, tout en passant pour la plus française des actrices italiennes.
Federico Fellini lui offre Huit et demi tandis que Luchino Visconti la dirige. Elle tourne les deux films en même temps, demandes opposées comprises. Chaque étape renforce l’aura de Claudia Cardinale : La fille à la valise, Cartouche, La Panthère rose, Les Professionnels, Il était une fois dans l’Ouest, Hiver 54, l’abbé Pierre.
Claudia Cardinale entre engagement, théâtre et récompenses
“Métier cannibale et ingrat”, disait-elle en 2017, à Hollywood où elle refusa de rester. Elle tourne plus de cent films de 1958 à 2020. Dans Sandra de Visconti, elle porte la robe de sa mère. Dans Le plus grand cirque du monde, elle fait le trapèze sans doublure.
Hors écran, elle s’engage avec Amnesty International pour les droits des femmes et des homosexuels, contre le SIDA et la peine de mort. Elle partage vingt-sept ans avec Pasquale Squitieri, père de leur fille Claudia, et tourne dix films avec lui.
Morte à Nemours, “auprès de ses enfants”, annonça mardi 23 septembre son agent Laurent Savry à l’AFP. Claudia Cardinale laisse “l’héritage d’une femme libre et inspirée”. Lion d’or d’honneur à la Mostra en 1993, elle a multiplié les prix. David Niven : “Après les spaghetti, c’est la meilleure invention de l’Italie”.
Pourquoi son parcours continue d’éclairer notre mémoire collective
On retient une volonté calme, une pudeur qui n’efface ni le courage ni la joie de jouer. Des rôles essentiels, des combats nets et des fidélités fortes dessinent une figure moderne. Au-delà de la nostalgie, Claudia Cardinale demeure une présence vive, familière et libre, dont l’éclat discret continue d’orienter nos regards, aujourd’hui encore, avec douceur, justesse et une force tranquille.