À L’Haÿ-les-Roses, un centenaire vit encore dans son pavillon. Il l’a bâti de ses mains, avec des voisins motivés. L’histoire s’ancre dans un élan d’autoconstruction né après la guerre. Derrière la devise Castor un jour, Castor toujours, il y a une éthique. Des heures comptées, des familles soudées, un quartier façonné par la solidarité.
Un héritage Castor né de la crise du logement
Serge Finot a 100 ans. Ses filles, Brigitte et Évelyne, ont 77 et 71 ans. Elles marchent encore à son bras, comme hier, affirme leparisien.fr. Les trois premières années d’Évelyne se déroulent à Rambouillet, dans les Yvelines. Son père construit alors la future maison familiale. Elle le voit peu.
Inlassable, il travaille après ses journées, puis le week-end. Le chantier se trouve près de l’actuelle A6, inexistante à l’époque. Il résume, avec pudeur, cette absence: « Quand elle était petite, elle ne me connaissait pas ». La vie rattrape le temps, car la maison devient leur repère. L’identité Castor s’y forge.
Le pavillon se situe à L’Haÿ-les-Roses. L’homme reste une figure locale, aussi par son passé de vétéran de la 2e DB. Il a bâti, entretenu, transmis. Le quotidien parle d’efforts tenaces et d’amour des lieux. Le récit familial rejoint une mémoire collective, solide, et encore vivante.
Une cité Castor record en Île-de-France
Après la guerre, la crise du logement pousse des salariés à s’unir. Ils obtiennent des prêts à bas taux, car l’entraide convainc. Beaucoup viennent après le travail, les jours fériés et le dimanche. L’association des Castors du Jardin Parisien porte cette mémoire. Sa secrétaire, Sabine Quenec’Hdu, raconte ce dévouement et souhaite le préserver.
Le mouvement essaime à Fresnes, Chevilly-Larue et Villejuif, puis à Gagny. On le retrouve aussi à Bezons, Rueil-Malmaison et Montgeron. À l’échelle francilienne, L’Haÿ-les-Roses devient le plus vaste site. Plus de deux cents pavillons s’y alignent. Le chantier dure près de cinq ans. On y compte 201 pavillons F3, F4, F5, et 64 logements sur quatre immeubles.
Une exposition retrace cette histoire à la bibliothèque de L’Haÿ-les-Roses, jusqu’au 27 septembre. Elle rappelle le rôle de Madeleine Bouchet, veuve d’un chef résistant à la RATP, fusillé en août 1944. Elle crée l’UCPTRP, qui achète deux lots de 11 hectares. Trente chantiers démarrent au début des années 1950 en Île-de-France. Ce socle Castor demeure.
Travail, entraide et quartier, une fidélité au quotidien
Les images reviennent: la boue, si dense qu’il faut deux personnes par brouette. Les parpaings pèsent alors 25 kilos, contre 18 aujourd’hui, explique Cédric Parienty, président de l’association. La fatigue se voit, mais le chantier avance. Les gestes se transmettent. Les voisins se connaissent mieux, car le chantier soude les équipes.
Serrurier de métier, Serge Finot apprend tous les métiers. Chacun apporte son savoir, tandis que le quartier se construit. À partir de 1 700 heures de travail, on peut choisir un pavillon. Il conserve le carnet de ses heures. Cette discipline Castor inscrit l’effort dans la durée et donne un sens commun.
Évelyne garde des images précises. Le courrier s’attrape dans une cabane. Les têtards se pêchent dans les mares. Les bottes boueuses se cachent dans un buisson avant l’école. Chaque année, depuis près de trente ans, un repas réunit le quartier. Deux écoles se construisent. La station de la ligne 14, ouverte l’an dernier, relie Paris en dix minutes. Des promoteurs s’intéressent au secteur. L’association étudie un possible classement patrimonial.
Ce récit donne chair à une mémoire ouvrière et vivante
Une maison tient parce que des gens s’entraident, puis persévèrent. À L’Haÿ-les-Roses, l’histoire lie un centenaire, deux filles, et un quartier. Le passé inspire, tandis que la ville bouge. Deux écoles arrivent. La ligne 14 rapproche Paris. Les projets avancent, mais l’esprit demeure. Ici, la devise Castor un jour, Castor toujours continue d’agir.