Le samedi à remplir le chariot, c’est fini… » : quand les centres commerciaux se transforment en galeries désertes

Un modèle de consommation s’essouffle tandis que les galeries vides imposent des réponses rapides et locales

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Accrocher le regard devient vital, car des galeries entières se vident. Les habitudes changent, l’achat en ligne progresse, et des sites autrefois pleins se transforment en couloirs silencieux. Les acteurs tentent des reconversions, parfois avec succès, parfois trop tard. Dans ce contexte mouvant, les centres commerciaux affrontent une réalité froide : maintenir l’attractivité coûte cher et demande des choix rapides.

La lente mue des centres commerciaux en friches visibles

À La Riche Soleil, près de Tours, quarante magasins ont presque tous baissé le rideau, raconte leparisien.fr. Ne restent qu’une pharmacie, un salon de coiffure et deux boutiques de vêtements, où l’on « s’occupe comme on peut ». L’architecture imposante, avec ses colonnes et sa verrière, souligne aujourd’hui l’écho des pas plus que l’élan des achats.

Le site n’a plus de grande surface alimentaire. Au printemps, l’Intermarché de 7 600 m² a fermé, l’enseigne des Mousquetaires ayant repris un lot de magasins jugés « inexploitables » après Casino. La décision, rare en France, a fauché une galerie inaugurée en 2002 et déjà fragilisée, tandis que des salariés redoutaient un licenciement annoncé.

Pour Stéphane Girard, chez Mercialys, la cause est multiple : accès difficile, vingt ans sans investissement, clientèle partie chez des concurrents. Le gestionnaire travaillait déjà sur une reconversion quand Casino a cédé, puis Intermarché a renoncé. Ailleurs, à Brest ou Niort, des successeurs ont été trouvés. Faute de relais, des « dead malls » à l’américaine guettent les centres commerciaux.

Des chiffres qui dévoilent le malaise des centres commerciaux

Les données Codata éclairent la pente. Le taux de vacance est passé de 14 % en 2022 à 16,07 % en 2024. En Île-de-France, la vacance a bondi de 17,53 % à 19,38 % en un an. Christophe Noël, à la FACT, fixe un seuil d’alerte : vers 30 %, la déprise s’accélère et l’offre s’effondre.

Le mix change aussi. L’habillement occupait 30 % des boutiques en 2015 ; il pèse 21,26 % en 2024. L’alimentation recule de 6,28 % à 5,92 %. La restauration, la beauté, la parfumerie et le soin gagnent du terrain, sans compenser les rideaux baissés. Les flux se dispersent, et la fidélité se délite.

Certains géants tirent encore des millions de visites, quand d’autres sites, nés dans les années 2000, s’étiolent. La FACT note un frein massif : les mètres carrés autorisés ont été divisés par six ou sept en vingt ans. Ce coup de frein calme l’expansion, mais il n’efface pas les faiblesses structurelles des centres commerciaux existants.

Villes, élus et bailleurs cherchent des issues concrètes

Autour de Paris, le déclin touche Bercy 2, porte de Charenton, et Le Millénaire, à Aubervilliers. « Les gens ne quittent pas Paris pour leurs courses », résume Emmanuel Le Roch, chez Procos. Des loyers en hausse ont poussé des commerçants à partir, laissant des alignements de vitrines closes.

À Montreuil, la Grande Porte ne garde que cinq boutiques ouvertes sur cinquante. Pour atteindre le Carrefour, on longe des vitrines aveugles. Les employés du SFR, qui s’apprête à fermer, voient surtout des demandes pour les toilettes et le distributeur. L’extension de la galerie, proposée cet été, a été retoquée au niveau national.

Belaïd Beddredine veut mêler commerces de qualité et structures associatives. À La Riche, le maire Sébastien Clément rappelle l’ampleur du site : dix-sept hectares et 1 700 places, à réinventer. Tours Métropole étudie un équipement culturel, quand Mercialys planche sur des loisirs. Des reconversions avancent : Bercy 2 sera démoli, et des logements arriveront aux Quais d’Ivry.

Ce qui doit changer pour éviter l’isolement définitif

La concurrence s’intensifie et les habitudes basculent, pourtant le secteur se dit résilient. Les grands opérateurs s’adaptent, certains rachètent les dossiers les plus durs. L’urgence, partout, consiste à mixer les usages, soutenir les flux et traiter chaque site au scalpel. Faute de sursaut, des centres commerciaux sortiront de la carte.

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