Madrid a annulé, le 6 août, l’achat de F-35 pour 6,25 milliards d’euros, suscitant la colère de Washington et un vif débat européen. Le Point l’a confirmé le 8 août. Derrière l’onde de choc, un choix clair : bâtir une autonomie crédible avec des partenaires européens. Dans ce contexte, F35 devient un marqueur stratégique autant politique qu’industriel, et il polarise déjà discours et calculs.
Virage assumé vers l’autonomie, le F35 quitte l’équation
En rompant avec Lockheed Martin et son chasseur de 5e génération, Madrid assume un virage net. Le contrat abandonné libère des marges pour une trajectoire européenne. Le débat technique demeure, F35 servant d’étalon de comparaison, mais la priorité change : investir dans une base industrielle solide, proche, compétitive.
85% de ce plan ira vers des programmes européens, dont le SCAF, futur système de combat aérien censé fédérer partenaires et technologies. La logique est simple : réduire la dépendance, renforcer la base industrielle, partager le risque, gagner en interopérabilité au sein de l’OTAN. Le calendrier politique s’y invite, car la décision s’inscrit dans une fenêtre où chaque euro compte.
Cette orientation a un prix politique. Washington s’irrite ; le président américain critique publiquement Madrid et menace de durcir un futur accord commercial. L’exécutif espagnol, pourtant, privilégie la cohérence industrielle et l’emploi qualifié. Le pari vise plus de souveraineté tout en gardant l’interopérabilité OTAN et des standards communs.
Capacités et calendrier, les alternatives au F35 s’affirment
La Marine cherche un successeur aux AV-8B Harrier, l’Armée de l’air à ses F/A-18 Hornet. La mission reste la même, la trajectoire change. Les états-majors recalibrent formats et coûts de possession. Dans chaque étude, F35 sert de référence pour jauger capteurs, fusion de données, discrétion et soutien logistique.
Le Rafale F5 de Dassault, certifié OTAN, gagne en crédibilité. Sa maturité, son standard évolutif et son ancrage européen rassurent. Les équipes testent la compatibilité aéronavale, l’appontage, et évaluent la continuité des entraînements. Les industriels détaillent des jalons, car l’arrivée d’un nouveau standard se joue sur dix à quinze ans.
Au-delà du choix d’avion, l’Espagne veut un écosystème : transfert de compétences, MCO robuste, chaînes locales et formation. La décision inclura la maintenance et la disponibilité sur toute la durée de vie, pas seulement le prix d’étiquette. Les alliances industrielles pèseront, car elles conditionnent délais, souveraineté d’emploi et capacité d’innovation récurrente.
Tensions transatlantiques et pari d’une souveraineté maîtrisée
Le débat dépasse l’achat d’un avion. Madrid a refusé l’objectif de 5% du PIB pour la défense d’ici 2035 fixé par l’OTAN, et maintient ses engagements à 2%. Le président américain a dénoncé ce refus, “terrible” selon lui, affirmant que “c’est le seul pays qui a refusé”. Dans cette tension, F35 devient révélateur.
L’Espagne s’aligne sur l’Inde, qui a décliné la même offre. Le message est clair : limiter la dépendance à Washington, préserver la marge de manœuvre et arrimer l’effort à l’agenda européen. La comparaison illustre une tendance : chaque capitale veut du levier dans ses achats pour garder des options.
La stratégie se veut “maîtrisée” : autonomie, mais interopérabilité. Madrid assume une voie compatible avec l’OTAN et les coopérations européennes. Des frottements avec certains alliés restent possibles. La souveraineté ne se résume pas au drapeau sur l’aile : elle se mesure à l’emploi et à la technologie.
Ce choix engage Madrid tout en redistribuant les cartes européennes
Le 6 août s’impose comme un repère : l’Espagne renonce aux F-35, clarifie ses priorités et investit dans une autonomie européenne assumée. La suite dépendra des choix industriels, des alliances et d’un calendrier réaliste, car chaque étape compte. Dans ce cadre, F35 reste une boussole de puissance, utile pour cadrer exigences, mesurer les coûts réels et garder le cap sans rupture.