Pendant le premier confinement, disparaître des écrans radars peut coûter cher : un manutentionnaire, bloqué à l’étranger, a vu son sort tranché par la justice. L’affaire pose une question simple : la force majeure protège-t-elle le salarié absent quand l’entreprise relance l’activité ? Réponse nuancée : l’impossibilité de revenir ne dispense pas d’informer, et l’employeur peut sanctionner l’absence non justifiée.
Quand le salarié disparaît pendant le confinement
Le 17 mars 2020, le confinement tombe. Selon franceinfo.fr, manutentionnaire dans une TPE industrielle de traitement des déchets métalliques, l’homme se trouve en vacances dans un village du Sénégal. Faute d’avions, il informe qu’il ne peut pas rentrer et passe en chômage partiel, comme des millions d’autres. Le salarié pense alors être couvert.
Courant avril, puis début mai, l’employeur appelle sur le portable pour fixer la reprise en présentiel. Aucune réponse. Le 11 mai, le déconfinement est annoncé et l’activité redémarre. Sans nouvelles, l’entreprise classe l’absence en « injustifiée ». La relation de travail se grippe, alors que la production réclame des bras.
Le 15 juillet, date du premier jour de reprise des vols internationaux au Sénégal, il revient en France. L’employeur le convoque à un entretien préalable, puis prononce un licenciement pour faute grave. Le manutentionnaire conteste devant le conseil de prud’hommes de Bobigny, puis devant la Cour d’appel de Paris.
Les faits et la défense passés au crible
Face aux rappels restés sans suite, l’homme avance une explication matérielle : téléphone cassé et réseau coupé par de fortes pluies. L’argument séduit peu les juges, car d’autres moyens existent pour joindre l’entreprise. La difficulté technique, réelle parfois, n’éteint pas l’obligation d’informer la hiérarchie sur la disponibilité.
Il affirme ensuite avoir laissé un message courant juin ; personne ne l’a reçu et aucune preuve fiable n’est produite. Le doute ne suffit pas à renverser la charge, car l’initiative de contact lui appartenait. Le salarié restait tenu d’assurer un suivi minimal, notamment pour valider sa date de retour.
Il invoque enfin la force majeure, au motif de l’interruption des liaisons aériennes entre le Sénégal et la France. Les juges admettent l’empêchement de voyager, alors que l’empêchement de communiquer n’est pas établi. Comme l’explique l’avocate Corinne Baron-Charbonnier, l’argument juridique ne couvre pas le silence prolongé envers l’employeur.
Pourquoi la force majeure ne sauve pas le salarié
La Cour d’appel de Paris confirme le licenciement, mais écarte la faute grave. Les juges retiennent une cause réelle et sérieuse, plus proportionnée, puisque l’intéressé a finalement repris l’avion. La sanction reste valide, car l’absence qualifiée d’injustifiée a perduré alors que l’entreprise avait relancé l’activité et appelé à plusieurs reprises.
Le cœur du raisonnement tient à l’obligation d’information. Même en crise sanitaire, l’exécution de bonne foi du contrat impose de se signaler, proposer un point, transmettre une adresse fiable. Tant que l’empêchement demeure, le salarié doit prouver ses démarches, car la continuité du lien avec l’employeur évite le malentendu durable.
Message pratique : consigner les échanges, multiplier les canaux et alerter par écrit en cas d’indisponibilité prolongée. Côté entreprise, documenter les relances et formaliser les décisions renforce la sécurité juridique. Cette affaire issue du premier confinement rappelle qu’un contexte exceptionnel n’efface pas les règles de base du droit du travail.
Leçons pour gérer l’absence en période troublée et éviter le faux pas
Contexte exceptionnel ou non, la règle tient en trois verbes : alerter, prouver, dialoguer. Un salarié bloqué peut l’être sans faute, alors que l’absence de nouvelles fragilise la confiance et ouvre la voie au licenciement pour cause réelle et sérieuse. Préparer des plans de contact, garder des traces, cela protège chacun. Y penser dès le départ évite les malentendus, même quand la crise bouleverse tout.